samedi, novembre 09, 2013

 Mirza mon cher ami


Tu me donnais autre jour nouvelles de Boabdil. J'ai grand peine d'apprendre qu'il a dû s'éloigner en butte aux infidèles. Il était sage et doux et très sensible aux choses. Son exil me chagrine.

Je te rends grâces aussi de m'instruire des affaires du palais. Notre vizir bien aimé comme à son habitude envoie ses émissaires pour faire connaître à tous les édits qu'il promulgue dans sa grande sagesse. Il est homme sensé et porte grande attention au choix des messagers. Leur tâche est difficile pour dispenser partout les subtiles nuances de la pensée du Maître et ses désirs sacrés. Que son nom soit béni! Cela nécessite le temps qui fait mûrir les choses pour les faire comprendre et puis les accepter. Le rythme des leçons se doit d'avoir lenteur comme oranger qui pousse et porte ses pleins fruits tout au long des années.

Il n'en va pas de même ici pour asseoir les pouvoirs. C'est frénésie de rythmes. Ce sont nouvelles chantées dans les boîtes à images pour chaque jour qui vient. Elles changent au quotidien et font tant abondance, qu'on ne sait plus toujours de quoi il est question et où est l'essentiel.
L'ancien petit vizir qu'on trouvait agité appliqua la méthode pour asseoir sa puissance. Il sut un grand moment faire croire à tout son peuple les choses qu'il disait comme dans un beau spectacle. Les Francs comme les Persans aiment bien les histoires. Abondance nuit en tout. Il dut finalement laisser son siège à autre qui cherche encore son rythme et qui se dit normal.

Les rythmes de chez nous ont tempo plus paisible qui assure constance au long des mois qui passent. De temps immémoriaux les vertus du temps long sont choses naturelles et beaux cadeaux des dieux dans notre Empire de Perse. Le Ciel en soit loué.

Ceux qui font politique, dans le royaume des Francs, pratiquent moyens modernes nommés technologiques. Les objets de la science quand ils sont adaptés font davantage pensée que les pensées elles-mêmes : tel est le postulat que lancent les philosophes de ces nouvelles chapelles. J'ai du mal à comprendre. Il heurte grandement le cours de mes savoirs et la sagesse antique.

Dans la ville où je suis, parmi ceux qui postulent au siège du calife et qui font déjà bruits, chacun y va son style et use de sa méthode.
L'un affiche visage sur grands écrans fleuris dans les salles obscures. Son bonheur sublimine. Il a mis fleurs aussi à son petit carrosse. Autre rêve d'affiches dans cadres commerciaux et va mener campagne comme on fait les affaires et dans les Amériques. Ses conseillers s'activent. On les voit aux marchés.
Autre encore gazouille à longueur de journées dans étrange appareil qui lance petits messages aux caractères comptés. Il faut tout dire en signes. Elle y écrit de tout, de son chat, du calife, en toutes directions, mais reste au fleur des choses. Difficile sans doute d'y développer pensée. L'appareil est de mode : il faut y sacrifier jusqu'au prochain engin.

La calife quant à lui n'est pas dans la mêlée. Il distille ses pensées à toute les cités depuis longues semaines dans sa boîte à messages(*). Il y dit qui il est, le fond de ses idées et explique à chacun comment il voit les choses. Il est dans le temps long, celui qui fait mûrir, celui de l'oranger...

Uzbek


(*) Note du traducteur:
L'allusion au blog de Denis Rebmann est ici évidente. On le trouvera à l'adresse denisrebmann.blogspot.fr . On pourra également y accéder à l'aide du lien ci-contre mis obligeamment à disposition !