Du même au même
Le calife est doté, le ciel en soit loué d'une heureuse santé. On l'a vu il y a peu non sans certain succès mener grand tourbillon dans les affaires du monde. Des espaces lointains aux affaires plus locales son talent porte à tout. C'en est grande merveille!
Ses sujets n'en ont pas ses immenses vertus et montrent à son égard quelque sonore aigreur. Certains se mêlent même de mener grand désordre en portant préjudice aux finances du maître. Jugez les importuns!
Les courtisans grâce au ciel, du moins les plus zélés, veillent jalousement aux affaires domestiques. Ils exhument du fin fonds de leurs vieilles badernes des tracas réputés être porteurs de gloire. Il est question d'excès des dépenses publiques et de bandes armées qui portent le malheur dans les moindres quartiers. De telles impudences ne conviennent pas à la grandeur du maître même si curieusement elles restent en récurrence. Elles paraissent en effet portées par les gazettes épisodiquement chaque fois qu'il est question de prendre avis des gueux. Ceux-ci y voient malice et crient à l'imposture.
Le porteur de paroles que l'on dit en disgrâce s'agite en tous les sens. Le calife lui-même donne de sa personne et s'approche du bon peuple par des voyages exprès dont il a le secret. L'un et l'autre compatissent et ornent leurs discours de promesses nouvelles aussi belles qu'antiques. La cour fait unisson et c'en est émouvant.
Nourrir les gueux de mots est bien belle trouvaille. Elle leur permet déjà de s'élever au plus haut des humeurs prosaïques. Cela sans doute est bien bon bénéfice.
Uzbek