dimanche, novembre 03, 2013

 
Mirza mon grand ami,


 
Mes yeux pleurent de joie. Ce jourd'hui est béni. Il vient de me combler sans que je m'y attende d'une de ces visions qui remplissent bien la vie.

Je vais t'en narrer dans les détails l'exacte circonstance.

Mon corps me fait souffrance, tu le sais. Je m'évertue chaque jour de Dieu à faire quelqu'exercice pour lui donner souplesse.
Je vais donc en marchant par les rues de la ville où je suis. Elles sont de toutes tailles et de charmes divers. La route principale, celle qu'on nomme République, la traverse en plein cœur. Elle connaît grand encombre de ceux qui vont à pied ou par petits carrosses. On en voit même certains qui chevauchent étranges objets de fer qu'ils meuvent avec les pieds. Les pavés font secousses. J'admire leurs prouesses. Le calife prévoyant leur a fait nouvelle route afin qu'ils puissent s'ébattre sans risque de se nuire ou de nuire aux autres et offrir aux familles des lieux de promenades. Cela a grand succès. Les grognons vitupèrent comme à leur habitude. Ils fréquentent de nuit pour ne pas être vus.

Mais foin de ces remarques. Passant donc tout à l'heure devant échoppe à livres qui offre ses produits à tous ceux qui savent lire, mes yeux furent attirés par un de ces dessus qu'on appelle couverture. J'en tremble d'émotion. C'était ouvrage du Maître certes en petit format qui n'est pas familier et en langue locale. Je m'en suis approché pour en avoir cœur net. Mes yeux émerveillés voyaient au milieu d'autres les ineffables vers et les quatrains sublimes de notre Maître à tous, l'immense Sheikh Omar. (*)
Son œuvre est immortelle. Elle est donc de partout. C'est merveille de voir en toutes les contrées que les pensées du Maître nourrissent bien les hommes qui veulent comme nous croire que nature humaine peut s'élever en haut des contingences. Nous avons frères ici. Cela chauffe le cœur et réjouit mon esprit.
Je t'offre en cadeau un des quatrains que j'aime tiré de cet ouvrage en langue mécréante. Il n'a sans doute pas les saveurs de la Perse, ni la douceur des mots comme quand le Maître écrit. Mais s'il est imparfait son esprit s'offre à tous. Et là est la leçon.

Ne laisse aucune ombre de regret t'assombrir,
Aucune peine absurde obscurcir tes jours
Ne renonce jamais aux chants d'amour, aux prairies, aux baisers,
Jusqu'à voir ton argile se fondre dans une plus ancienne. [24]

Je t'embrasse mon très cher ami.

Uzbek



(*) Note du traducteur: Uzbek évoque ici Omar Khayyam illustre mathématicien et astronome né à Nichapour en 1015. Son œuvre maîtresse les Roubbayat collection de quatrains de vers magnifiquement ciselés est inspirée du soufisme, philosophie transmise à travers les siècles qui veut donner à l'homme une voie pratique pour atteindre un niveau de conscience supérieure.
L'ouvrage vu en vitrine est vraisemblablement «Les quatrains d'Omar Khayyam» traduits et présentés par Omar Ali-Shah (Albin Michel éd. 2005 )