mercredi, janvier 08, 2014

Dieudonné la honteuse !

 Tout se perd ! Le bon vieux facho d’antan, le fasciste à l’ancienne droit dans ses bottes qui édite des musiques nazies et déclare que «les chambres à gaz sont un détail de l’histoire», se fait rare. Des types comme Jean-Marie Le Pen, xénophobes, antisémites et fiers de l’être appartiennent désormais au passé.

Aujourd’hui, la nouvelle génération est timorée. A l’image de sa fille Marine qui d’un côté part valser en Autriche aux bras de néonazis et de l’autre veut attaquer tous ceux qui qualifieront son parti d’extrême droite. Un pas en avant, deux pas en arrière. Mais le pire de tous, la honteuse toute catégorie, c’est, à n’en pas douter, Dieudonné. Comment Jean-Marie a-t-il pu tolérer qu’une telle lopette lui demande d’être le parrain de sa fille ? Un type même pas capable d’assumer un salut nazi inversé, qui tente de nous faire croire qu’il s’agit d’un geste antisystème, d’un simple bras d’honneur. Ah la chiffe molle, la mauviette ! On dirait le docteur Folamour, transfuge nostalgique du régime nazi, retenant désespérément son bras quand celui-ci exécute malgré lui le salut hitlérien.
Dieudonné n’assume pas. Vingt ans qu’il tente de faire passer son antisémitisme pour de l’humour. Fils d’une mère bretonne et d’un père camerounais, Dieudonné aurait rêvé naître en 1940 dans la France du maréchal Pétain, une époque où l’on pouvait faire de belles quenelles, bien droites, pointées vers le ciel, sans aucune restriction. Comble de malchance, le jeune M’bala rencontre la gloire en 1990 sur la scène d’un café-théâtre en duo avec un certain M. Semoun… Elie Semoun ! Imaginez sa détresse, quand dans le sketch Cohen et Bokassa, Bokassa dit à Cohen : «En 45, les boches, ils auraient pu finir le boulot», la salle entière se gondole, tout le monde pense que Dieudonné fait du second degré alors que lui sait qu’il est au premier.

Pendant sept ans, Dieudonné va tenir le coup en escroquant son camarade de jeu. Connaître le succès avec un juif est déjà douloureux, mais le payer à sa juste valeur serait terrible. Une fois séparé d’Elie, Dieudonné se perd durant quelques années, une période noire où il milite à gauche, soutient le DAL et ira même jusqu’à combattre le FN qu’il considère «comme un cancer». Au plus mal, il chante en duo avec Gad Elmaleh… nouveau succès ! En 2003, l’humoriste se ressaisit et revient à ses premières amours, l’antisémitisme : «Le racisme a été inventé par Abraham… les juifs sont une secte, une escroquerie… des négriers reconvertis dans la banque… maintenant il suffit de relever la manche pour montrer son numéro et avoir le droit à la reconnaissance…» Spectacles du même acabit se succèdent.
Si cette période riche est boudée par le monde du spectacle, dirigé comme chacun sait par de «dangereux sionistes», les tribunaux consacrent enfin le travail de l’artiste : onze condamnations à ce jour pour diffamation et injures.

Dieudonné n’est pas épanoui pour autant. Celui dont les amis s’appellent Ahmadinejad et Bachar al-Assad, qui se rêve en dictateur antisioniste, doit sans cesse composer, atténuer ses propos car, à son grand désarroi, la France est une démocratie avec des lois, des règles. La quenelle qu’il voulait tantôt «glisser dans le fion du sionisme» n’est plus qu’«un simple bras d’honneur, un geste antisystème». Pas folle la guêpe, tel un épicier de quartier spécialisé dans les produits antisémites, Dieudonné tient absolument à préserver son business («bissness», comme l’écrit sa nouvelle compagne analphabète).
 Son petit commerce est rentable : 1,8 million d’euros en 2013. Tee-shirt, mug, poster siglé d’une quenelle, tout est bon. Le révolutionnaire antisystème s’est même déplacé à l’Inpi pour déposer sa marque afin que son ami Alain Soral ne puisse pas l’utiliser pour commercialiser son beaujolais. Chaplin aurait adoré pasticher ses deux chiffonniers haineux et grippe-sous, ces deux dames pipis antisémites bunkérisées à la Main d’or. Toute la limite de Dieudonné est là… amateur de longue quenelle, mais désespérément petit bras. Au lieu de prendre le maquis, de s’assumer, de partir faire sa révolution contre le juif dans des pays où il pourrait sans restriction déverser sa bile, il reste dans son théâtre à compter sa billetterie, déposer ses marques et faire rire 200 écervelés incultes qui pensent pour la plupart que le mot «antisioniste» est une marque d’insecticide. Tout faire pour maquiller son antisémitisme forcené.
Il faut voir Dieudonné le soir, impasse de la Main-d’Or (entouré de trois gardes du corps grotesques, style commerciaux chez Al-Qaeda), baisser la grille de son commerce. On pense à Anelka qui craignant une longue suspension a, lui, baissé son short. Quand il s’agit de préserver leurs intérêts, la quenelle de ces messieurs se transforme vite en vermicelle.



Stéphane GUILLON « Libération » 03 janvier 2014