Tout se perd ! Le bon vieux facho d’antan, le fasciste
à l’ancienne droit dans ses bottes qui édite des musiques nazies
et déclare que «les chambres à gaz sont un détail de
l’histoire», se fait rare. Des types comme Jean-Marie
Le Pen, xénophobes, antisémites et fiers de l’être
appartiennent désormais au passé.
Aujourd’hui, la nouvelle génération est timorée. A l’image
de sa fille Marine qui d’un côté part valser en Autriche aux bras
de néonazis et de l’autre veut attaquer tous ceux qui qualifieront
son parti d’extrême droite. Un pas en avant, deux pas en arrière.
Mais le pire de tous, la honteuse toute catégorie, c’est, à n’en
pas douter, Dieudonné. Comment Jean-Marie a-t-il pu tolérer qu’une
telle lopette lui demande d’être le parrain de sa fille ?
Un type même pas capable d’assumer un salut nazi inversé, qui
tente de nous faire croire qu’il s’agit d’un geste
antisystème, d’un simple bras d’honneur. Ah la chiffe
molle, la mauviette ! On dirait le docteur Folamour,
transfuge nostalgique du régime nazi, retenant désespérément son
bras quand celui-ci exécute malgré lui le salut hitlérien.
Dieudonné n’assume pas. Vingt ans qu’il tente de faire
passer son antisémitisme pour de l’humour. Fils d’une mère
bretonne et d’un père camerounais, Dieudonné aurait rêvé naître
en 1940 dans la France du maréchal Pétain, une époque où
l’on pouvait faire de belles quenelles, bien droites, pointées
vers le ciel, sans aucune restriction. Comble de malchance, le jeune
M’bala rencontre la gloire en 1990 sur la scène d’un
café-théâtre en duo avec un certain M. Semoun… Elie
Semoun ! Imaginez sa détresse, quand dans le sketch Cohen
et Bokassa, Bokassa dit à Cohen : «En 45, les
boches, ils auraient pu finir le boulot», la salle entière
se gondole, tout le monde pense que Dieudonné fait du second degré
alors que lui sait qu’il est au premier.
Pendant sept ans,
Dieudonné va tenir le coup en escroquant son camarade de jeu.
Connaître le succès avec un juif est déjà douloureux, mais
le payer à sa juste valeur serait terrible. Une fois séparé
d’Elie, Dieudonné se perd durant quelques années, une période
noire où il milite à gauche, soutient le DAL et ira même
jusqu’à combattre le FN qu’il considère «comme un cancer».
Au plus mal, il chante en duo avec Gad Elmaleh… nouveau
succès ! En 2003, l’humoriste se ressaisit et revient à
ses premières amours, l’antisémitisme : «Le racisme
a été inventé par Abraham… les juifs sont une secte, une
escroquerie… des négriers reconvertis dans la banque…
maintenant il suffit de relever la manche pour montrer son
numéro et avoir le droit à la reconnaissance…»
Spectacles du même acabit se succèdent.
Si cette période
riche est boudée par le monde du spectacle, dirigé comme chacun
sait par de «dangereux sionistes», les tribunaux
consacrent enfin le travail de l’artiste :
onze condamnations à ce jour pour diffamation et injures.
Dieudonné n’est pas épanoui pour autant. Celui dont les amis
s’appellent Ahmadinejad et Bachar al-Assad, qui se rêve
en dictateur antisioniste, doit sans cesse composer, atténuer
ses propos car, à son grand désarroi, la France est une
démocratie avec des lois, des règles. La quenelle qu’il
voulait tantôt «glisser dans le fion du sionisme» n’est
plus qu’«un simple bras d’honneur, un geste antisystème».
Pas folle la guêpe, tel un épicier de quartier spécialisé
dans les produits antisémites, Dieudonné tient absolument à
préserver son business («bissness», comme l’écrit sa
nouvelle compagne analphabète).
Son petit commerce est rentable :
1,8 million d’euros en 2013. Tee-shirt, mug, poster
siglé d’une quenelle, tout est bon. Le révolutionnaire
antisystème s’est même déplacé à l’Inpi pour déposer sa
marque afin que son ami Alain Soral ne puisse pas l’utiliser pour
commercialiser son beaujolais. Chaplin aurait adoré pasticher ses
deux chiffonniers haineux et grippe-sous, ces deux dames pipis
antisémites bunkérisées à la Main d’or. Toute la limite de
Dieudonné est là… amateur de longue quenelle, mais désespérément
petit bras. Au lieu de prendre le maquis, de s’assumer, de partir
faire sa révolution contre le juif dans des pays où il pourrait
sans restriction déverser sa bile, il reste dans son théâtre
à compter sa billetterie, déposer ses marques et faire rire
200 écervelés incultes qui pensent pour la plupart que le mot
«antisioniste» est une marque d’insecticide. Tout faire pour
maquiller son antisémitisme forcené.
Il faut voir Dieudonné
le soir, impasse de la Main-d’Or (entouré de trois gardes
du corps grotesques, style commerciaux chez Al-Qaeda), baisser
la grille de son commerce. On pense à Anelka qui craignant une
longue suspension a, lui, baissé son short. Quand il s’agit
de préserver leurs intérêts, la quenelle de ces messieurs se
transforme vite en vermicelle.
Stéphane GUILLON « Libération » 03 janvier
2014